Dans l’attente de la prochaine demi-finale de Coupe de France entre Quevilly et le Paris Saint-Germain, Patrice Lecornu apporte un nouvel éclairage sur les oppositions entre équipes de niveaux hiérarchiques différents.
On a coutume d’entendre que le seul danger qui menace une équipe de l’élite opposée à une équipe de niveau inférieur est de la prendre à la légère…. Est-ce le seul écueil envisageable ?
Je pense que c’était certainement vrai il y a une dizaine d’années. Selon moi, aujourd’hui, une équipe de l’élite ne perd pratiquement aucun match par suffisance, mais elle peut perdre pour une autre raison plus importante. La France est un pays de formation, beaucoup de joueurs sont très bien formés. Dès l’âge de douze ans, ils s’entraînent quatre à cinq fois par semaine, jouent des compétitions de haut niveau. Or, il y a toujours aussi peu d’élus qui joueront en professionnels. Tous les ans, plein de bons joueurs restent délaissés du monde professionnel, pour de multiples raisons, et parfois infimes – rater le match qu’il ne fallait pas rater, une blessure, une déficience au niveau du mental. Mais ce sont de bons footballeurs, qui ont eu exactement la même formation que ceux qui sont passés pros.
Ces joueurs-là trouvent alors refuge dans les niveaux inférieurs ?
Tout à fait. Cela signifie qu’en CFA, et même en CFA2, les clubs sont composés de nombreux joueurs qui sont passés par des clubs professionnels dans les catégories de jeunes. Ils ont donc une culture footballistique professionnelle. Et ces joueurs-là, quand ils jouent contre une équipe pro, sur un match, sont tout à fait capables de se mettre au niveau. C’est davantage sur la durée que se situe l’écart. Si je prends le cas de Quevilly, le petit Fodié Traoré, était avec moi au PSG, par exemple. Il a fait sa formation comme tous les autres. Les joueurs de CFA sont aujourd’hui beaucoup plus complets qu’il y a quelques années, où les équipes étaient composées de joueurs très moyens. Désormais, les équipes de CFA ont de bons joueurs, sont bien organisées, et le temps où l’on rentrait sur le terrain dans l’improvisation générale est révolu.
La culture tactique a été renforcée par des encadrements techniques dont le niveau est relevé ?
Absolument. Les examens que passent aujourd’hui les éducateurs sont beaucoup plus pointus et précis. Ils offrent une culture de jeu, surtout sur le plan défensif, qui apporte une sécurité considérable. Pour exemple, toutes les équipes de CFA jouent aujourd’hui défensivement en zone. Quand c’est bien fait, c’est une organisation très fiable qui permet de poser de sérieux problèmes à l’adversaire qui cherche à marquer. Du temps du marquage individuel, dès qu’un adversaire était éliminé, le danger était immédiat. Ce n’est plus le cas. L’organisation défensive est beaucoup plus complète qu’il y a dix ou quinze ans.
Quelles différences persistent entre un championnat de CFA et l’élite ?
Les joueurs pro ont un bagage technique beaucoup plus complet, et, sur le plan athlétique ou physique, il sont capables de renouveler des performances de haut niveau toutes les semaines. Un championnat de L1 ou de L2 est physiquement très exigeant, et réclame une répétition des efforts constants.
Le PSG va donc être confronté aux mêmes problématiques que Boulogne ou Rennes ?
Connaissant Antoine Kombouaré, le Paris Saint-Germain jouera comme il en a l’habitude. Il ne prendra pas son adversaire de haut. Il va leur falloir marquer assez vite pour ne pas mettre l’adversaire en confiance. Si le doute s’instaure côté PSG, et que la confiance gagne progressivement les joueurs de Quevilly, tout est possible pour eux. Surtout si la malchance s’en mêle. Auquel cas il arrivera ce qui arrive de temps en temps, et heureusement parce que ça fait partie du charme du football. Le PSG peut être satisfait d’être tombé contre Quevilly plutôt que contre Monaco, mais ça s’arrête là.
Propos recueillis par Michaël Grossman