Je l'ai dit, je le confirme, je reste cet automne sous le patronage des gardiens, et j'ai été heureux que vendredi dernier Vincent Planté ait gardé ses cages inviolées.
Mais j'ai aussi de bonnes lectures, des romans dont je vous parlerai un autre jour, et bien sûr des journaux. Ainsi ai-je lu dans L'Equipe de ce matin, en dernière page, une nouvelle renversante au sujet de Ronaldo qui n'a pourtant rien d'un ange-gardien. C'est le nombre de fans ou de followers, comme vous voulez, qu'il totalise sur son compte Facebook. Combien ?
Un million, on serait déjà impressionné. Dix millions, on ne saurait plus quoi penser du monde dans lequel nous vivons. Vous n'y êtes pas tout à fait. Ou alors – c'est moi qui n'y suis plus. Au cas où vous ne le sauriez pas, je dois donc vous avouer, à vous qui me lisez sur ce site, à vous qui venez sur ce site par attachement au Red Star et tombez sur mes lignes, que Ronaldo a dépassé la barre des cent millions.
À côté, un peu d'histoire nous fera du bien. Pierre Chayriguès est donc un grand gardien d'1 mètre 70 sur la pointe des pieds, si grand qu'il impressionne même les Anglais qui lui donnent du Peter pour l'attirer dans leurs filets. Mais d'anglais il ne connaîtra que le « Red Star ». Sa carrière commence avant la guerre, la première, celle dont on commémore le centenaire depuis plus d'un an. Il ne vient pas de loin, le club de Clichy, il est né un 1 er mai ou le lendemain, en tout cas pour la toute nouvelle Fête du travail, avant que le muguet ne remplace la rose qu'on portait à la boutonnière. Il est le premier à sortir de sa ligne, à boxer les ballons, à plonger dans les pieds des attaquants et à plonger tout court – à l'horizontale. Il le dit lui-même joliment parce qu'il écrira – plus tard – un livre. « J'ai compris tout de suite que le gardien devait être autre chose qu'un homme enfermé dans sa cage ». Il continue, après la guerre, revient après de vilaines blessures, et il gagne notamment la première Coupe de France en 1921, puis les deux suivantes.
Chayriguès était aussi reconnaissable à sa façon de nouer les lacets de ses chaussures – deux tours autour des chevilles – qui sera imitée par les gamins dont il était l'idole. Et tout Pierrot qu'il était, l'argent comptait pour lui. Il obtint des belles mensualités et des belles primes dès avant la guerre, il aurait tourné des réclames comme Ronaldo, sans doute pas les mêmes si on en juge par ses tenues et son profil, mais il aurait certainement compté beaucoup de followers. Après la guerre, la deuxième, il se retire à Avranches, il y ouvre un café et rêve de créer le Red Star d'Avranches mais il échoue et devient l'entraîneur de l'Union sportive fondée la même année que son club de cœur.
Avranches, vous avez dit Avranches. Comme quoi l'histoire – même ancienne – nous ramène toujours au présent voire au futur. Ce sera dans un mois, pour la 13 eme journée du championnat, une rencontre à enjeu sur la longue route qui conduit à la Ligue 2.
Le regard de Chambaz
La 4ème chronique de l'écrivain en résidence