Leur vision du football

Leur vision du football | Red Star Football Club

Interview croisée avec Sébastien Robert et Manuel Pires

C’est autour d’un café que Sébastien Robert, coach principal et Manuel Pires, coach adjoint, ont échangé pour Redstar.fr sur leur vision du football et sur son évolution. Entretiens croisés de deux amoureux du ballon.

Comment s’est passé votre premier contact cet été ?
Manuel Pires : Avant ma signature, nous avons été présentés par la direction du club. J’ai échangé avec Sébastien et Steve autour d’un repas sur le rôle qui serait le mien au club et sur notre philosophie de jeu. Sébastien avait mis en place quelque chose qui tournait bien. Il y a eu un très bon contact aux premiers abords.
Sébastien Robert : On m’avait présenté plusieurs personnes mais Manu, c’est exactement la personne qu’il fallait au club. Il apporte beaucoup de professionnalisme. Il est doué sur certaines choses que je n’ai pas l’habitude de faire. Nous sommes complémentaires. Nous avons eu tout de suite le feeling. C’était facile car nous sommes deux personnes simples.

Après six mois de collaboration, quel regard portez-vous sur le travail de chacun ?
SR : Il est vrai que je prends un peu de place… Je suis un homme de terrain et j’adore organiser les séances mais on essaye de se répartir les rôles. Manu est aussi très bon dans les analyses des matches, sur la production de vidéos, de notre contenu ou de l’adversaire. J’essaye justement de faire des séances par rapport à ses analyses. Sur le plan des choix, on discute beaucoup et on essaye de faire les meilleurs choix ensemble, même si j’assume ma part de responsabilité au final.
MP : Ce poste est tout nouveau pour moi car j’étais aussi un homme de terrain. Il est vrai que je fais un travail d’analyse. C’est une expérience enrichissante. Je décortique un championnat que je ne connaissais pas. On pense connaître le football mais il faut être dans ce championnat pour le comprendre.

Est ce un métier où il faut toujours se remettre en question ? Dans ses choix, son discours…
SR : Encore plus cette année. La pression, on la sent forcément. Elle me donne envie d’aller de l’avant et de montrer qu’on peut faire de grande chose. La remise en question est quotidienne, même après une victoire. J’essaye d’être positif et de faire en sorte que cela se répercute sur le groupe.
MP : Il faut savoir se remettre en question, c’est important. Il faut avoir des convictions mais pas trop de certitudes sinon on peut s’écrouler. On peut se tromper. Chaque choix doit être mûrement réfléchit.

Au cours de votre carrière de joueur, avez-vous toujours pensé à devenir entraîneur ?
MP : Toujours ! Si je devais choisir entre mon métier de joueur ou celui d’entraîneur, je choisirais le second sans hésitation. J’ai très tôt été attiré par ce poste. J’ai eu des formateurs pédagogues qui m’ont donné envie d’entraîner. J’ai toujours su que je serais entraîneur.
SR : Des l’âge de 18 ans, j’ai commencé à être éducateur et à passer mes diplômes. Même quand j’étais stagiaire, j’allais dans le bureau des entraîneurs pour apprendre des tactiques. J’alternais avec le terrain et le banc.  Certains entraîneurs (au Racing par exemple) refusaient que j’ai ce double poste car ils pensaient que cela pouvait nuire à mes performances en tant que joueur. Mais j’ai toujours pris du plaisir. À la différence de Manu, je n’avais pas de préférence entre ces deux métiers. Ça m’arrive encore parfois de participer aux séances. Mais je devrais éviter quand on voit mes passes de ce matin… (Rires).

À partir de quel moment, jouer sur les deux tableaux (Coupe et Championnat) peut devenir handicapant pour les objectifs en championnat ?
MP : À partir du moment où on n’entendra parler que de la coupe de France. Si l’effervescence est trop présente dans le vestiaire, il va falloir tirer la sonnette d’alarme. C’est un objectif mais pas l’objectif principal du club. Nous allons voir comment se passe les prochains tours et les prochains matches de championnat.
SR : S’ils sont bons en championnat et en coupe, on sera avec eux et on avancera ensemble. Mais si on s’aperçoit qu’il n’y a pas de résultats positifs en championnat, on sanctionnera. La Coupe de France, ils la regarderont à la télévision.

Manuel, tu as connu le professionnalisme à Saint-Quentin et à Amiens. En quoi le National peut être considéré comme un championnat pro ?
MP : Le National est encore loin du professionnalisme. Il pourrait s’en rapprocher par rapport au nombre de séances effectuées dans la semaine, par la structure qui compose l’équipe première. Les joueurs vivent du football et ne font rien d’autre à côté. Mais ce n’est pas suffisant. Il y a plusieurs points où le National reste un championnat amateur. Le jeu produit est différent de la ligue 2. Il manque de moyens financiers, d’affluence dans les stades.

Sébastien, tu as eu une carrière de joueur (presque 15 ans) avec de nombreuses années en National. Quelle différence y a t-il entre tes années et aujourd’hui ?
SR : À l’époque, il y avait plus de qualité technique. Beaucoup de joueurs en National ont eu leur chance très vite en Ligue 2. Aujourd’hui, peu de joueurs arrivent à faire cette bascule dans le monde pro. Mais les clubs sont plus structurés. Avant, des joueurs bossaient la journée et venaient à l’entraînement le soir. Aujourd’hui, c’est rare. La différence est principalement sur le fait que les joueurs sont beaucoup mieux préparés.

Vous avez un point commun, c’est votre attachement à la formation. En quoi la réussite d’un club passe aussi par une bonne formation chez les jeunes ?
MP : Avec un entraineur qui donne sa chance aux jeunes. La formation existera s’il y a une politique du club. Ce n’est pas parce qu’il y a de bons éducateurs et de bons joueurs que l’on sera un club formateur. Il faut que l’entraîneur de l’équipe première ait du courage pour faire jouer les jeunes, et en France, il n’y en a pas beaucoup.
SR : À l’heure actuel, c’est compliqué car nos équipes ne sont pas au plus haut niveau. Nous essayons de le faire mais c’est difficile car ils n’ont pas une formation assez rigoureuse, le niveau s’en ressent. Il faudra mettre une machine en marche en Ligue 2 et faire monter rapidement ces jeunes franciliens. Manu a raison, il faut savoir leur donner une chance.
MP : Ce sujet est vaste mais je vais être radical. On est à un tournant de la formation. Je mettrai une pièce sur la post formation (à partir de 18/19 ans). Aujourd’hui, les mentalités des jeunes ont changé. Ils sont souvent usés par le football. Tout est pollué avec les médias, l’argent, les données sont faussées. Les jeunes sont effrontés et n’ont pas peur de l’autorité. Ce n’est pas un constat alarmiste mais aujourd’hui, je réduirais considérablement les effectifs des centres de formation. Sur trente joueurs, il n’y en a qu’un qui va passer. C’est beaucoup de travail et d’investissements pour une seule personne. Il faudrait qu’il aille user leurs crampons dans un club amateur pour qu’il se forge un mental de compétiteur dès le plus jeune âge.
SR : Il faut aussi minimiser les contrats de longues durées… Les joueurs n’ont plus de carottes pour avancer.
MP : Certains joueurs signent pro sans avoir fait un match en pro. Le talent suffit pour signer professionnel, on oublie le travail nécessaire.

Le fait d’avoir joué à haut niveau favorise la réussite au poste d’entraîneur ?
MP : Non. On peut avoir les compétences d’entraîner en professionnel alors que l’entraîneur évolue en CFA ou CFA2. Certains de ces éducateurs peuvent avoir plus de compétences que certains entraîneurs de Ligue 1 ou Ligue 2. Le milieu est comme ça. L’accès est plus facile lorsqu’on a un nom.
SR : Sur les compétences mêmes d’un entraîneur, je ne pense pas. Mais en ayant joué au football, on sait ce que peuvent ressentir les joueurs après une défaite. Quand il rate quelque chose, on peut le rectifier. On peut être plus compréhensif. Nous devons manager de la manière la plus honnête possible sans aucun passe droit.

Petite question pour finir. Vous êtes deux adeptes du tennis-ballon. Mais qui est le meilleur ?
MP : Si nous regardons les stats je pense que… Bon Séb, les résultats sont en ma faveur…
SR : Il y a deux façons d’analyser un résultat. Il y a la qualité du jeu et le résultat en lui même. Dans l’efficacité du jeu, dans la prise de risque, il a plus de qualité de mon côté… Faut le reconnaître.
MP : On m’a toujours appris que le « football spectaculaire » était un football offensif. Pratiquant un football offensif, je m’étonne de la réaction de mon ami Seb… (Rires)

Entretien réalisée par Maxime Eyrignoux
Crédit photo : Panoramic

 



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