Après Alain Mboma, Randy Fondelot, et David Giguet, c’est François Gil, conseiller du président, qui se dévoile quelque peu pour redstarfc93.fr.
Quel genre d’enfant étais-tu ?
J’étais un garçon passionné par le football, à la grande déception de mon père, qui était musicien, et dont le grand rêve était que je sois également musicien. Il m’a collé très tôt une guitare entre les mains. S’il n’y avait eu que la guitare, ça m’aurait plu, mais derrière il y avait le solfège, et derrière le solfège, l’harmonie, plus l’Espagnol, plus l’école… Donc je passais des journées entières à apprendre des choses que je n’avais pas envie d’apprendre, parce que je croyais que ça ne me servirait pas.
Quelle place restait-il pour le football ?
Le foot me tirait dans la rue pour jouer dans le quartier de la Goutte d’Or, dans le 18e, où il y avait déjà des prémices de la mixité. C’étaient les premières vagues d’immigrations espagnoles, portugaises, italiennes, et un peu maghrébines. Nous constituions des équipes de quartier de folie. J’ai fait un choix. J’ai abandonné la guitare et le solfège, même si aujourd’hui je m’en veux un peu. Mon père était un artiste libre dans sa tête, donc il me disait de faire ce qui me passionnait, mais avec le recul, les regrets sont venus. Je l’ai perdu à l’âge de dix-huit ans, et s’il aurait été fier de ma carrière professionnelle, il aurait été encore plus fier si j’étais devenu musicien, peut-être pas professionnel, mais au moins pour le plaisir.
Comment occupais-tu ton temps en dehors de la classe ?
Il n’y avait que le ballon. Très tôt c’était joueur, et lorsque j’ai eu quinze-seize ans, j’étais dans un club qui s’appelait Championnet Sports aux portes de Paris. C’était un patronage, donc il y avait une grosse culture familiale, au sein d’un club multisports, avec une réelle image de club. Il y avait des équipes d’anciens, des jeunes joueurs, le comité directeur était composé d’anciens joueurs. Un club de traditions. Eux ont très vite détecté dans ma personnalité des capacités à donner un coup de main aux petits. On m’a donc demandé de venir entraîner des jeunes. Je ne savais pas ce que c’était, et je me suis découvert une personnalité, un regard différent sur le foot.
Quand as-tu compris que tu allais consacrer ta carrière professionnelle au football ?
Bizarrement, je ne l’ai pas compris tout de suite. J’ai toujours cru que ce serait une activité secondaire, sans jamais faire de plan de carrière. Je suis resté à Championnet jusqu’en 83, avant d’arriver au Red Star pour entraîner une équipe de jeunes pendant cinq ans. Philippe Troussier est arrivé pour prendre en main la D3. Il m’a demandé, en plus de l’équipe de jeunes, de venir l’après-midi et de structurer un peu l’aspect technique des choses. A ce moment-là, je travaillais aux PTT. En aucun cas j’aurais imaginé travailler dans le football. Et l’année d’après, voyant que le club se structurait, comme ça ne se passait pas trop mal, il m’a été demandé de travailler au Red Star à temps plein. Je pensais que ça durerait un ou deux ans, puis au bout de sept ans, je suis resté au Red Star en me disant qu’une autre vie s’offrait à moi.
Quel parcours as-tu suivi par la suite ?
Au Red Star, je n’oublierais jamais Philippe Troussier et Jean-Claude Bras qui m’ont offert cette opportunité. Par la suite, je me suis attelé à la construction d’un projet qui, à mes yeux, était avant-gardiste. J’ai proposé à Jean-Claude Bras de créer un centre de formation. Il m’a presque traité de fou, avançant que ça ne servait à rien. Mon objectif était de pérenniser notre progression, éviter que les joueurs nous quittent, et en attirer d’autre. Sur le moment, nous ne nous rendions pas compte des avancées, mais à notre grand étonnement, nous avons réussi.
C’était un aboutissement ?
C’était une étape importante. Tout comme la collaboration avec Patrice Lecornu, qui à mes yeux est l’une des personnes les plus compétentes en matière de football, quelqu’un qui ressent bien les choses, qui les traduit bien, qui a un œil avisé, une culture… toutes ces choses qui ont fait que nous étions complémentaires dans la mise en place, dans l’animation, dans le suivi… De 84 à 99, cela a été une superbe aventure. Et surtout une superbe aventure humaine. Derrière le projet sportif, derrière les résultats, il y a eu des centaines de jeunes que nous avons vu passer, des joueurs qui encore aujourd’hui nous appellent, nous demandent des conseils…
Quels est le souvenir le plus marquant de ta carrière professionnelle ?
Nous avons perdu un gamin de dix-sept ans au Red Star, Marivat, qui a succombé à une rupture d’anévrisme. Tu ne peux pas sentir que tu vas peut-être influencer le garçon dans sa vie, et de la même façon, tu ne peux pas non plus savoir que tu peux avoir un accident. Ce jour-là, cela a été terrible, parce que tu es responsable du club, tu délivres les licences, tu envoies les joueurs chez le docteur, tu les fais jouer… C’est une tragédie qui m’a marqué. Mais je conserve aussi d’excellents souvenirs avec le Red Star ! Des parcours d’équipe en Gambardella, en championnat de France de jeunes, qui ont vraiment été des agréables surprises professionnelles. A ce titre, j’étais en rendez-vous il y a un an avec Benitez et son adjoint, et ils m’ont cité des noms de joueurs du Red Star. C’est à dire que notre travail et nos résultats avaient dépassé les frontières.
Comment définirais-tu ta mission au sein du Red Star ?
Je ne fonctionne pratiquement qu’au coup de cœur, aux relations humaines. A mes yeux, l’aspect humain est au-delà du projet, de l’argent. Ce sont les gens que tu rencontres qui te font faire des choses ou pas. Pour moi, c’est Patrice Haddad. Je ne cache pas le bon contact que j’ai eu avec lui. Il reprenait le club après des anciens que j’avais également croisé, et qui m’avaient également sollicité. Je me suis dit : encore un de plus qui rêve, qui va encore nous dire que dans trois ans il sera au Stade de France, et quand je l’ai rencontré, je n’ai pas du tout ressenti la même chose. J’ai senti quelqu’un de vraiment déterminé à construire un projet, au delà d’une équipe. J’ai été assez prudent, et puis au fil du temps, avec son intelligence, sa pertinence, sa conviction, ses valeurs, je lui ai proposé mon aide. Il était hors de question qu’il s’agisse d’une activité professionnelle. Cela me laisse du temps, et une plage de liberté, ce qui me convient, et qu’il a très bien compris. Je suis un conseiller sportif, comme il peut exister des conseillers juridiques ou financiers. Nous travaillons ensemble sur certains dossiers, certaines orientations, je mets mes réseaux à disposition, nous échangeons beaucoup, dans les périodes de doutes comme dans les périodes de réussite. J’apporte un œil un peu différent, car quand tu es dans le bateau, tu ne vois pas tout.
Propos recueillis par Michaël Grossman