Mon amoureuse à Bauer

Mon amoureuse à Bauer | Red Star Football Club

Le Regard de Chambaz

Pour recevoir le Poiré-sur-Vie, j'ai invité mon amoureuse au stade Bauer. C'était le vendredi de Pâques et, malgré la pluie, elle ne s'est pas fait prier. A 20 heures, au coup d'envoi, la pluie tombait encore, mais nous étions à l'abri dans la tribune et elle avait replié son petit parapluie jaune. A 20 h 05, c'était le début de Pessa'h, la fête juive, mais plutôt que de croquer du pain azyme on pouvait sacrifier à la tradi­tion des frites mayonnaise, légère la mayonnaise. Pâques, évidemment, n'a pas beau­coup de sens pour les musulmans, les bouddhistes, les hindouistes, les shin­toïstes, etc., mais pour les amateurs de football c'était la 27 eme journée du National.

   Quoiqu'il en soit, toute la première mi-temps ressembla à un portement de Croix. Ce fut certainement la moins bonne de toute l'année. Mon amoureuse était déçue, il faut dire qu'elle s'y connaît pas mal, qu'elle sait appré­cier le beau jeu, elle qui enchantait ses élèves de lycée professionnel en leur parlant, moitié anglais moitié français, des buts mar­qués la veille par John Barnes, l'ailier jamaicain de Li­verpool qui étincelait dans les années quatre-vingt dix, ne pas confondre avec l'écri­vain Julian Barnes, sup­porter du club de Leicester et qui songe depuis des décennies à écrire l'his­toire d'un juge de touche. 

   Je me suis souvenu de ce mardi 28 septembre 1982, ça ne nous rajeunit pas, je sais, mais c'est ainsi, où nous étions allés ensemble au parc des Princes voir un match qui allait devenir un match de légende. Le PSG recevait le Lokomotiv Sofia. On faisait la queue au guichet pour acheter les places, dont mon amou­reuse trouvait le prix assez cher. Un vieux titi parisien, sans doute l'âge que nous avons aujourd'hui, casquette vissée sur la tête, se retourna alors vers nous et lui dit : Tu verras, ma belle, c'est pas cher pour un coin de paradis ! Il ne s'était pas trompé.

   En tout cas, merci à l'équipe de Poiré-sur-Vie de nous avoir rappelé que rien n'était jamais ac­quis, qu'une équipe qui se bat pour rester en National pouvait faire déjouer le leader qui a donc perdu une occasion de maintenir son avance sur ses poursuivants, même s'il a l'opportunité de la reprendre à Epinal. Trois rangées devant nous, un spec­tateur excédé ne serait-ce que par les passes en re­trait, l'impuis­sance à accélérer le jeu, à aller de l'avant, a crié aux joueurs qui ne semblent pas l'avoir enten­du : Vous n'y êtes pas ! Et comme souvent, le bon sens, qu'on dit popu­laire, touchait juste. Car ils n'y étaient pas, les joueurs, dans le match. Mais ils n'y étaient pas, en­core, en Ligue 2.

   Et encore merci à Planté qui s'est pris pour Neuer, qui a évité à l'équipe de prendre l'eau alors même que la pluie avait fini par s'arrêter, qui n'allait pourtant pas transfor­mer en but les occasions que ses attaquants gâchaient, à croire que cette équipe n'est pas faite pour un classique 4-4-2, et que – sans jeu de mots – Cros et Da Cruz man­quaient cruellement. Toujours est-il que pour le Red Star, ce n'était pas encore tout à fait le passage de la mer Rouge.



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