Vendredi dernier, ce fut donc un match de gala, un 3 – 3 des grands soirs, bien qu'il n'y eût pas d'enjeu. On jouait à nouveau à guichets fermés et l'esprit était déjà à la saison prochaine, avec un brin d'impatience, et la part d'incertitude que personne n'ignore.
La veille, j'étais venu à Bauer féliciter l'artisan et l'architecte de la montée en Ligue 2 – qui sait partager les honneurs avec son staff et ce n'est pas la moindre de ses qualités. Dans son bureau, en face de la salle d'entraînement physique, il y a des tables, un joli bordel sur les tables, des ordinateurs, des fiches, il y aussi une balance, un lavabo, des rasoirs, et sur le mur une citation de Cantona qui vaut ce qu'elle vaut mais reste moins mystérieuse que sa sortie sur les mouettes et les sardines : « Je ne joue pas contre une équipe en particulier. Je joue pour me battre contre l'idée de perdre ». Et il est vrai que l'équipe de Sébastien n'a pas perdu beaucoup de matchs.
Bondynois bon teint, né en septembre 1973, qui a joué en minimes à Bondy, ailier, droitier, devenu gaucher, sur des bons stabilisés (rouge et souple) et des mauvais (marron et caillouteux), puis sur une herbe plus ou moins verte, qui a admiré Susic, il traîne son sac en Seine-Saint-Denis. Romainville, le Red Star, Noisy-le-Sec où il monte en D 3 à même pas dix-huit ans. Ensuite, il s'exile, sans s'exiler. Ce sera Le Havre, élève en centre de formation, où se révèle déjà son gôut pour former et entraîner les jeunes. Ses modèles ce sont Wenger et les entraîneurs nantais ; ça confirme l'idée qu'on peut avoir de sa vision du jeu, un 4/3/3 aussi offensif que possible : « associer le beau jeu avec l'efficacité » et que « les bons joueurs ressortent dans le collectif ». Il reviendra ensuite dans le 93, non sans passer par Fécamp, Ivry, et l'Espérance de Zarzis où il garde beaucoup de bons souvenirs, le stade dans le désert, des rencontres devant vingt à trente mille spectateurs, une « ambiance de fou ».
Le football est sa passion. Quoiqu'il advienne, il fera partie des entraîneurs qui auront marqué l'histoire du club comme entraîneur ou comme joueur. Bien sûr, Sébastien n'est ni Herbin ni Herrera, ni le Sphynx ni le Magicien, l'inventeur de ce que les spécialistes ont commenté sous le nom discutable de « catenaccio ». A son arrivée au Red Star, il dit qu'on ne sentait pas l'Histoire du club. Aujourd'hui il est heureux que ce soit le contraire.
Voici donc ma trente-troisième chronique, la dernière d'une saison à bien des égards magnifique. J'emporte la vision de vendredi soir, le public resté moins pour voir la remise d'une coupe que pour rendre hommage aux joueurs et en particulier à Samuel Allegro, salué comme il se doit pour son ultime rencontre, disparaissant entre la double haie formée par les gamins du club, puis dans la foule, hissé sur les épaules de Danilson Da Cruz, entrant dans la légende, entretenant à son tour le refrain magique d'une espèce de Red Star Blues.