Le regard de Chambaz !

Le regard de Chambaz ! | Red Star Football Club

La chronique de l'écrivain en résidence

Je me faisais une joie du déplacement à Saint-Raphaël. Ce n'est pas grave mais c'est raté. C'est d'autant plus dommage avec ce dénouement invraisemblable, un but toutes les minutes à partir de la 90eme grâce au mistral, et le titre de champion à la clé.

   Après avoir su garder son avenir entre ses mains, le Red Star a désormais son avenir devant lui. Ce qui est un exploit pour un club chargé d'un tel passé. La saison 2015-2016 s'annonce riche en toute chose et notamment en déplacements dans au moins trois temples du football au siècle précédent – Le Havre, Sochaux, Auxerre, sans pré­juger du sort administratif réservé à Lens.

   On perçoit la volonté légitime du club de se définir et d'apparaître comme populaire. Mais qu'est-ce qu'un club populaire ?

   Tout d'abord, qu'est-ce qui fait la singularité du Red Star ? Ne serait-ce que par rap­port aux autres clubs parisiens, même s'il ne peut pas se définir que par opposition, par ce qu'il n'est pas, ni le PSG, ni le foot business ni les paillettes, pas davantage le PFC ou Créteil (Lusitanos ou pas). C'est en premier lieu son histoire, longue, écla­tante ; en second lieu, c'est sa géographie idéale, en bordure de ce qu'on nommait au­trefois la zone, la mixité de la capitale et de la banlieue, l'entité Seine-Saint-Denis de­puis cinquante ans ; enfin, tenant à la fois à son histoire et à sa géographie, ce sont ses racines. En fait, après une saison passée dans l'orbite du Red Star, je trouve qu'il res­semble à beaucoup de clubs de la région parisienne mais un club qui évolue à un haut niveau.

   Qu'est-ce qui est populaire ? Au football, il y a déjà les « populaires » – les places et le public qui applaudit son équipe dans les virages, quand bien même il n'y a pas de virage à Bauer. L'adjectif, en général, on peut l'entendre soit en bonne part (le génie, la sagesse) soit en mau­vaise part (la crédulité, les préjugés). Sont populaires le bal et la fête, un air de chan­son comme le mistral gagnant. Quant à la liste des synonymes, elle balance entre « vulgaire » et « ré­puté ». En latin, langue morte ou ancienne qui survit diffici­lement dans les col­lèges, « populaire » renvoie à l'ensemble du peuple (moins les es­claves) ; un autre mot propose la plèbe et l'adjectif plébéien, le menu peuple ; et un autre, les patriciens (c'est comme ça) qui sont en quelque sorte les nobles, les riches. Cela dit, la défini­tion du mot populaire est sans ambiguité : « qui appartient au peuple, qui le caractér­ise », non seulement ceux qui viennent au stade pour un prix qu'on dira raisonnable mais aussi ceux qui y jouent. Ainsi peut-on consi­dérer les joueurs de l'équipe fanion comme un reflet, les jeunes comme un vivier, un peu à la façon de la belle initiative d'université populaire animée par Michel Onfray.

   Au lieu d'aller à Saint-Raphael, je suis donc allé voir le MacBeth de notre bon vieux Verdi et je me suis souvenu de ce que disait la Callas : « Il vaut mieux être une bonne chanteuse po­pulaire qu'une mauvaise chanteuse d'opéra ». Enfin l'hommage rendu à Gerrard m'a mis les larmes aux yeux.

 



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