Marcel, c’est toujours une émotion particulière de revenir à Bauer ?
Disons que ce stade fait partie de mon quotidien puisque je vis à Saint-Ouen. J’ai l’habitude de passer devant ou de m’y rendre souvent, donc l’émotion s’atténue… Mais bien sûr, Bauer reste un endroit particulier pour moi.
Quel regard portez-vous sur le Red Star d’aujourd’hui ?
Je suis très attentif aux résultats actuels de l’équipe. J’ai eu la chance de les voir jouer en début de saison, j’ai trouvé une équipe courageuse avec une âme, qui ne lâchait rien, et je ne suis pas étonné de les retrouver dans le haut du tableau.
Vous avez passé cinq années au club (entre 1963 et 68), quels souvenirs en gardez-vous ?
Le souvenir majeur, c’est celui de la remontée en première division. Lors de la saison 1964-65, nous avions une sacrée équipe… J’ai en mémoire une véritable épopée avec en point d’orgue notre victoire contre Reims à Bauer (1-0). Ce jour-là, il y avait un monde fou dans le stade ; on ne devait pas être loin du record d’affluence. Il y avait une solidarité dans cette équipe qui explique peut-être que nous ayons gardé le contact encore aujourd’hui avec des joueurs comme Rodighiero, Manzano ou Dalla Cieca.
Votre carrière s’est terminée à cinquante-trois ans ! Pouvez-vous nous expliquer cette exceptionnelle longévité ?
Le poste de gardien a beaucoup évolué. A l’époque, nous n’avions pas d’entraînements spécifiques donc les semaines étaient plutôt tranquilles. Par contre, lors des matches, nous étions extrêmement sollicités car les systèmes étaient très offensifs avec parfois jusqu’à cinq attaquants. Mais si j’ai continué à jouer si tard, c’est surtout un concours de circonstances ! Je me suis arrêté plusieurs fois mais systématiquement on est venu me rechercher pour me proposer un poste.
Lors de votre passage au Stade de Reims, vous avez joué avec les grands Kopa et Fontaine, ils étaient vraiment impressionnants ?
Justo avait une grande confiance en lui, il frappait dans n’importe quelle position avec une efficacité sidérante ; Kopa était différent, c’était un virtuose. A l’image de Platini, ou Zidane, il était capable d’emmener une équipe et même une génération dans son sillage.
Auriez-vous un conseil à donner aux gardiens de buts des équipes de jeune du Red Star, vous qui avez été lancé dans le grand bain de la coupe d’Europe à vingt ans ?
Pendant quinze ans, j’ai été entraîneur des gardiens, et j’ai côtoyé de jeunes talents, mais j’ai eu l’impression que le métier avait beaucoup changé donc je me garderai bien aujourd'hui de prodiguer des conseils !
Mais tout de même, comme gère-t-on le stress quand on débute à dix-neuf ans en huitième de finale de coupe d’Europe ?
Le stress, je ne l’ai jamais connu. En moins d’un an, je suis passé de la petite Place des Marronniers d’Esbly (77) au stade de Copenhague avec le grand Reims en coupe des Champions. Cela a été fulgurant, je n’étais pas préparé à cette notoriété soudaine. J’ai ensuite enchaîné les sélections en espoirs, militaires…Tout peut aller très vite, c’est peut-être ce que doit retenir la jeune génération.
Qu’est-ce qui différencie le Red Star des autres clubs où vous avez évolué ?
L'ambiance ! Les spectateurs étaient à un mètre à peine du terrain, donc nous discutions avant les matches… Après aussi ! Cette proximité avec les supporters, je m'en souviendrai toujours.
Propos recueillis par François-Xavier Valentin